Mission d’urgence au Liban : 6 – 12 août 2020
Le 4 août 2020, un peu avant 18 heures, un incendie se déclare dans un hangar du port de Beyrouth. Les sapeurs-pompiers sont déjà sur place lorsqu’une première explosion, suivie de multiples petites détonations, se déclenche. Ces flashs lumineux, très courts, sont décrits comme semblables à des feux d’artifice. La seconde explosion, nettement plus violente et destructrice que la précédente, se produit vers 18 h (heure locale). Elle dévaste la zone portuaire et le centre de Beyrouth.
Le bilan fait état de 158 morts, 21 disparus et plus de 6 000 blessés. Au-delà de l’enceinte portuaire, de nombreux bâtiments de Beyrouth sont endommagés. Les explosions sont ressenties et causent des dégâts jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres de là. L’hôpital Saint-Georges, l’un des plus importants de la capitale situé dans le quartier d’Achrafieh, a été complétement dévasté. Ses bâtiments ont été endommagés et des visiteurs et membres du personnel soignant sont morts dans l’explosion. Trois autres hôpitaux de Beyrouth ont également été touchés et l’accident a réduit leurs capacités opérationnelles. Au port, l’explosion a laissé un cratère de 120 m de diamètre et de 43 m de profondeur, faisant disparaître une portion du littoral et tous les entrepôts environnants. En raison de l’ampleur des dégâts dans la ville de Beyrouth, 250 000 à 300 000 personnes se retrouvent sans logement.

Le jour même, Pompiers de l’urgence internationale se positionne en « monitoring » sur Virtual OSOCC, la plate-forme dédiée du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour les opérations de secours, conformément aux dispositions prévues par Groupe consultatif international de la recherche et du sauvetage (INSARAG) sous l’égide des Nations Unies.
PUI déclenche une alerte SMS le 4 août à 21h10 à l’attention de ses
membres. Des dispositions sont prises avec le référent transport aérien afin de
réserver des places sur un vol commercial pour Beyrouth.
Le mercredi 5 août à 19 heures, l’équipe, composée de 20 membres, deux
chiens de recherche et deux drones, se présente à la plateforme logistique à
Limoges pour la vérification du matériel (conditionnée par les logisticiens
dans la journée) et le briefing opérationnel. Un test PCR est effectué avant le
départ par les médecins et infirmiers retenus pour la mission. À 2
heures du matin, l’équipe prend la direction de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.
Accueillie à Beyrouth par la municipalité, l’équipe de Pompiers de
l’urgence internationale a installé sa base opérationnelle entre la station de
police et le centre de secours de Karantina, quartier ravagé par la
double explosion du 4 août. Les sapeurs-pompiers y sont en deuil : 10
des leurs étaient primo-intervenants sur le feu d’entrepôt précédant les deux
explosions qui ont détruit la zone portuaire et sévèrement endommagé leur
casernement. Depuis, ils s’évertuent à retrouver leurs disparus. PUI leur
propose son aide sur le chantier à l’aide de l’équipe cynotechnique.
Pompiers de l’urgence internationale et pompiers
libanais travaillent de concert sur les chantiers de l’épicentre ; la police
est à disposition pour véhiculer les membres de l’équipe. Avec l’aide du drone,
le site autour du silo éventré peut être visualisé dans son ensemble et
sectorisé. Les deux chiens de recherche, engagés en continu, permettent de
détecter l’emplacement de plusieurs victimes sous d’épaisses couches de grains
et de gravats ; enfin, les médicaux procèdent à l’examen des corps pour aider à
leur identification par les autorités.
Les équipes de recherche et de sauvetage (USAR) 1 et 2 travaillent en
alternance sur le secteur des silos. Il est important pour nos collègues sapeurs-pompiers
libanais de retrouver les corps de leurs camarades. Dans cette mission,
différente de celles que nous avons l’habitude d’effectuer, le concours des « K9 »
(les chiens de recherche et sauvetage) est indispensable. Les engins de
déblaiement opèrent en continu : dès qu’une couche de gravats et de grains
a été retirée, les chiens doivent refaire un passage. Il faut gérer au mieux
leur temps de travail et de repos. Les chiens sont engagés également en milieu
aquatique à l’endroit du cratère formé par l’explosion : là où ils manifestent
un intérêt, les plongeurs retrouvent une veste de pompiers. La présence d’un
corps à cet endroit où la profondeur est de 43 mètres est fort probable.
Nous utilisons également le drone pour réaliser des vues aériennes du
chantier. Les photos, ainsi que les vidéos, sont fournies à la cellule de
coordination des équipes de secours internationales (UCC), pour permettre de
consolider la sectorisation des sites de travail.
Les médecins et infirmiers de PUI procèdent par ailleurs à des soins
médicaux auprès de la population libanaise : souvent de petites blessures
contractées pendant les phases de nettoyage et de déblais des locaux endommagés
par l’explosion. Ils prodiguent aussi des soins à nos amis les chiens dont les
coussinets sont mis à rude épreuve. Un binôme médecin infirmier est
systématiquement engagé avec l’équipe USAR sur le chantier. La pandémie de COVID-19
implique des contraintes et protocoles particuliers.
La solidarité et la générosité du peuple libanais a été telle que cette mission restera gravée dans la mémoire collective. Pompiers de l’urgence internationale souhaite que cette collaboration avec les pompiers de Karantina se poursuive bien au-delà, comme ce fut le cas suite à d’autres missions d’urgence.
« Il y aura un “avant” et un “après” Beyrouth ».
Alain Choplain , chef de la mission à Beyrouth
